LA NOTION DE MOCHIKOMI


Mochikomi est un terme japonais qui, dans le domaine du bonsaï, désigne deux choses étroitement liées et même indissociables :
-la culture en pot au fil des ans ainsi que les soins et les travaux (rempotage, taille, nettoyage, traitements, engraissage, travail du bois mort) effectués pour faire gagner à l'arbre son aspect mature ;
-la maturité de l'arbre, obtenue grâce aux effets du temps qui passe, conjugués au travail du bonsaika.

Le bonsaïka, en effet, met tout en oeuvre -sans hâte, pour respecter les cycles physiologiques de l'arbre et privilégier avant tout sa santé- pour que celui-ci, sain et vigoureux, puisse répondre correctement aux différentes interventions ; le bonsaï lui-même, avec le temps, évolue avec ses rythmes naturels et sa personnalité, et gagne naturellement en maturité. En effet, une fois adapté aux conditions de vie dans un pot où il n'a pas la possibilité d'étendre ses racines, il produit -au lieu de fortes pousses- une végétation dense et plus contenue, en même temps que son écorce s'épaissit et se fissure, et que sa cime devient plate.

Dans le premier cas, on pourra dire : « faire le mochikomi » , c. à d. travailler l'arbre pour lui faire atteindre et maintenir un aspect mature.
Dans le second cas, on dira : « tel arbre a un bon mochikomi », c. à d. il a une belle maturité, marquée par la perfection des détails des racines, de l'écorce, de la ramification et de la végétation, et l'équilibre parfait entre tous ces éléments.

Certains arbres ont un « bon mochikomi » plus rapidement que d'autres ; cela dépend de l'espèce et des particularités propres à tel ou tel sujet.
Les conifères, avec leurs bois morts (shari, jin), leur écorce épaisse et fissurée, gagnent assez vite un aspect vieilli, d'autant plus qu'ils réagissent bien aux techniques de ligature, de pliage et de densification de la végétation.
Par contre, chez la plupart des feuillus, le vieillissement qui fait jaillir l'émotion est plus difficile et plus long à atteindre : l'écorce doit en être parfaite, sans blessures ni cicatrices évidentes ; le tronc ne doit comporter ni shari, ni jin, ni uro, à l'exception de quelques arbres à fleurs ou à fruits (un Prunus, par exemple, pourra offrir un beau contraste entre bois mort et délicatesse des fleurs).

Quoi qu'il en soit, conifères ou feuillus, sur les arbres bien cultivés et soignés, la patine du temps se perçoit par des marques bien reconnaissables :
-un nebari bien proportionné au tronc, correctement ramifié et disposé radialement, donnant l'impression d'être ancré solidement dans le sol (à noter qu'il a été amélioré à chaque rempotage, le seul moment possible pour intervenir sur les racines) ;
-une ramification fournie, avec une bonne conicité obtenue par le remplacement des "branches-tuyaux", et orientée selon les caractéristiques de l'espèce ;
-une végétation compacte et fine, bien proportionnée et appropriée à la forme choisie ;
-une cime arrondie ou plate, témoin du passage répété des intempéries, signe aussi de l'affaiblissement progressif de la tendance naturelle à une croissance apicale.
A cela s'ajoute, chez les résineux, la présence de bois mort, naturel ou créé, marques évidentes d'un vécu difficile.

Même le shitakusa qui accompagne le bonsaï doit montrer un bon mochikomi : pas question de prélever une petite plante quelques jours avant l'exposition, il faut qu'on voie qu'elle est cultivée en pot depuis un certain temps !